Elé, dans quelques jours tu auras 1 an…

Tes parents t’ont certainement raconté ta naissance, mais en tout bonne marraine, je vais te raconter comment nos chemins se sont rencontrés. Après tout, je me suis penchée sur ton berceau dès tes premiers instants…

Nos familles sont liées. Enfin, la famille de MrEspagnol, mon cher et tendre, mais c’est tout comme. Et toi, ainsi que ta soeur et mes enfants, représentez la troisième génération. Vos grands-parents respectifs se connaissent depuis de longues années, plus de trente ans. Alors, de mariages en naissances, d’étés passés ensemble, de passage à l’enfance à l’adolescence, ta maman et mon amoureux ont grandi…. (pour travailler maintenant dans le même bâtiment!). Quand  j’ai rencontré ta mère , et tes grands-parents, on s’est tout de suite bien entendus.  Ton papa, il m’a fallu un peu plus de temps pour l’apprivoiser mais ce GrandHommeCalme équilibre parfaitement votre famille!

Quand ta soeur Bouclette est née, je n’étais pas là, tout simplement parce que tes parents ne me l’ont pas demandé. Son arrivée par césarienne a été un peu difficile à digérer par ta maman, mais c’était nécessaire, son histoire à elle.

Aussi, quand ils m’ont demandé d’être présente pour ta naissance, j’ai été très touchée et émue. Mais ce que je ne leur ai pas dit, c’est que même si c’est génial de partager un tel moment, ça fait un peu flipper aussi. Parce que là, pas de barrière, faut tenir sa place de sage-femme ET amie. Multitâches.  Ta maman s’est arrondie au fur et à mesure que je perdais mes rondeurs de grossesse, GrandGlouton participait activement à ce processus! La date de terme approche, mon téléphone reste allumé 24h/24. Le dossier est passé en staff, l’accord pour la voie basse « avec précaution d’usage » donné. Un matin, après avoir emmené les enfants à la crèche et glandouiller fait du rangement dans la maison, je reçois un coup de fil de tes parents, enfin, de ta mère «  Coucou, j’ai rompu!! » –  » t’as des contractions?  » – « Oui oui  » me dit-elle, MORTE DE RIRE. On se donne rendez-vous à la maternité, je préviens mes collègues qu’elle arrive, j’essaye d’attraper rapidement un train, forcément, c’est le milieu de journée, 2 trains par heure… J’arrive quand même avant eux, ai le temps de me changer.

Effectivement la poche est bien rompue, pas l’ombre d’une contraction à l’horizon et tu es nichée bien haute dans l’utérus. Certains examens effectués pendant la grossesse ont révélé que la poche des eaux ne doit pas rester ouverte trop longtemps et que ta maman doit recevoir des antibiotiques par perfusion pendant le travail. Les conduites à tenir varient d’une maternité à une autre. Ici, ils aiment déclencher le travail dans une telle situation. Mais ta maman a une cicatrice sur l’utérus, ce qui le rend plus fragile. Je négocie avec le médecin de garde de te laisser 24h, avec des antibiotiques. Tes parents sont dans l’attente, rigolent pas mal. Difficile de rentrer chez moi , j’avais prévu le coup. Je pars donc me balader, profiter de ma liberté. Je crois même que je suis allée au ciné. La nuit débute, toujours rien, ton père rentre se reposer et moi je reste dormir à la maternité avec ta maman. Je ne dors que d’un oeil, elle se tortille parfois. Arrive le matin et le staff. C’est parti pour le déclenchement. La médecin de garde est mois patiente que celle de la veille, parfois un peu trop interventionniste à mon goût mais je l’aime bien. Nous savons toutes les deux que je ne sortirai quasiment pas de la salle. Tu es un peu descendue sur le col,  qui s’est modifié aussi. J’ai la sensation que tes parents sont confiants mais moi je flippe. Que tu naisses aussi par césarienne. Tu es haute, comme l’était ta soeur… Mais ta mère fait tout pour que tu descendes, elle marche (merci le monitoring sans fil!), utilise la ballon, s’accorde des temps de repos. Les hormones font leur effet, on pose le cathéter de péridurale mais aucune dose n’est injectée. Le col s’ouvre tranquillement mais sûrement. Ton père sort à chaque examen mais reste présent et attentif. Ta mère fait son travail, balance quelques blagues entre deux contractions.

Et puis tu me rappelles à l’ordre. Un ralentissement profond, et long, de ton rythme cardiaque. Le mien s’emballe, mon ventre se tord. Mais je retombe sur Terre, ta mère a trop souffert la première fois, l’angoisse, l’absence de communication, elle seule au bloc… Tu récupères, pas assez vite (ce n’est jamais assez vite), je vérifie le col, tu as peut être eu la bonne idée de le passer derrière tes oreilles. Mais non,  tu es encore haute. Le col a compris, il s’ouvre plus qu’honorablement. La centralisation (récente) des monitorings fait que DrImpatienteMaisGentille débarque, te réexamine avant que j’aie dit ouf. « Expectative« – « J’ai rien demandé » – « Je sais mais je te le dis quand même ».

Je sais, tes parents savent que tu ne dois pas recommencer. Elle est patiente uniquement parce que je vous suis dédiée, « sage-femme privée ». Mais quand même, quand tu abordes l’entrée dans le bassin, tu recommences, un peu plus fort,    et j’ai dégainé une sonde urinaire aussi vite que ton père a décidé cette fois de rester dans la pièce.  Rien n’est gagné, tu récupères, mais la sonde  est en place, le brancard pas loin. ta maman t’aide beaucoup, elle bouge, cherche la position qui te convient, ton père l’accompagne. Il trouve de plus en plus sa place, ils s’accordent l’un à l’autre tandis que je m’efface. Enfin tu t’engages franchement, ta mère se retranche, se renforce et s’accroche à GrandHommeCalme. Je les laisse un peu dans leur bulle, m’accorde une pause, un verre d’eau, et puis la fameuse danse avec bâillement et étirements du « j’y vais ou j’y vais pas ? » . 

P***** ton rythme s’effondre, l’écran central clignote dans toutes les directions. DrImpatientemaisGentille sur mes talons, j’arrive dans la salle, ta salle de naissance. Tes parents ont compris, on rentre ensemble dans la danse. Tu es au milieu du bassin, tu as encore du chemin à faire,  tu essayes, ta mère pousse, soutenue par ton père. Mais ce n’est pas assez. Il faut t’aider, DrImpatienteMaisGentille place les spatules. Facilement. Alors qu’il n’y a pas de produit de péridurale. Ta mère est forte, elle nous suit, nous fait confiance. Tu es presque née quand les spatules sont retirées «  Je sais que tu n’as rien demandé mais… » dit DrImpatientemaisGentille en s’éloignant et en se calant dans la pénombre de la salle. Je t’ai juste accueillie dans mes mains, n’ai rien fait de particulier si ce n’est les poser sur celles de ta mère pour te poser sur son ventre. Tu es toute rosée, nous montres que tu vas bien mais ton cordon si court t’empêche d’aller plus haut. Je ne sais plus qui l’a coupé mais quand je t’ai enfin vue, blottie en peau à peau, toute cette peur est retombée, en même temps que le réconfort de te savoir là s’installait.

Nos familles ont partagé des moments forts, nos mariages, vos baptêmes, des vacances, des moments tristes aussi .Et cette naissance. Ta naissance. Ca a été un magnifique cadeau que de participer à t’accueillir. Encore plus  d’être ta marraine. Alors même si je ne pourrai pas franchement t’aider côté spiritualité, je ferai en sorte de continuer à t’accompagner dès que tu le souhaites. C’est ça la famille non?

Je serai bien loin quand tu souffleras cette première bougie ma douce et joyeuse Elé mais je penserai bien à toi.

Je t’embrasse

Ta marraine-fée.

PS: Sais-tu que tu es née dans la même salle, de la couleur du Soleil, que ma Mistinguette? Si c’est pas le destin ?!